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Mémoires
Association des banquiers canadiens

Améliorer la prospérité, la compétitivité et la sécurité financière du Canada

Indications

Article

Recommandation no 1 : Engager une réforme fiscale pour améliorer la productivité, notamment en éliminant les impôts spécifiques au secteur bancaire dans le but de stimuler l’épargne, l’investissement, l’emploi et la croissance.

Recommandation no 2 : Adopter une démarche réglementaire harmonisée et favorable à l’innovation qui soit fondée sur le grand principe « mêmes activités, mêmes risques, mêmes règlements ».

Recommandation no 3 : Mettre au point un cadre rigoureux de services bancaires pour les gens, soit un système bancaire ouvert, qui suit une approche purement canadienne, fondée sur des principes et soutenue par l’expertise du secteur, et qui encourage l’innovation et la concurrence, au profit des consommateurs.

Recommandation no 4 : Mettre en œuvre un plan d’action antiescroquerie coordonné et intersectoriel pour protéger les consommateurs.

Recommandation no 5 : Se doter des ressources appropriées en vue de traduire en justice, au titre du Code criminel du Canada, les particuliers responsables des crimes financiers.

Recommandation no 6 : Axer le régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité sur les risques prioritaires, les signalements à forte valeur ajoutée, les poursuites et les statistiques qui permettent d’élaborer des politiques fondées sur des données probantes.

Introduction

L’ABC est reconnaissante pour cette occasion de contribuer aux consultations fédérales sur le prochain budget. Voix de plus de 60 banques canadiennes et étrangères, l’ABC préconise l’adoption de politiques publiques efficaces qui contribuent à un système bancaire solide, capable de stimuler la croissance et la prospérité économiques.

Secteur bancaire et économie canadienne

Le secteur bancaire canadien soutient depuis longtemps l’économie du pays. Voici certaines contributions du secteur bancaire en 2023.

  • Environ 70 milliards de dollars (ou 3,5 %) au PIB
  • Près de 15 milliards de dollars en impôts
  • Une main-d’œuvre inclusive de près de 300 000 employés, dont 54,5 % de femmes et 42,6 % de personnes qui s’identifient comme membres d’une minorité visible
  • Des dividendes de 28 milliards de dollars versés aux aînés, aux familles, aux caisses de retraite, aux organismes de bienfaisance et aux fonds de dotation
  • Un réseau de 5 600 succursales et de 18 600 GAB

Les banques jouent un rôle essentiel dans le financement au Canada. Selon les chiffres de 2023, les banques canadiennes avaient :

  • accordé au total plus de 1 610 milliards de dollars en prêts hypothécaires résidentiels;
  • autorisé 1 780 milliards de dollars en crédits aux entreprises, dont 278 milliards ont été alloués à de petites et moyennes entreprises;
  • depuis 2010, en moyenne, 87 % des demandes de financement par emprunt des petites entreprises sont approuvées annuellement au Canada.

Bien que les cinq plus grandes banques gèrent 85 % des actifs de l’ensemble des banques commerciales au Canada (dans la moyenne par rapport aux autres économies de l’OCDE en matière de concentration), la concentration est loin d’être un indicateur déterminant du pouvoir de marché, car elle en dit peu sur les changements dans l’intensité concurrentielle et ne prend pas en compte les produits et services substituables offerts par des entreprises autres que des banques. En effet, les banques ne sont pas seulement en concurrence les unes avec les autres, mais aussi avec d’autres acteurs établis, notamment les coopératives de crédit et caisses populaires provinciales, les institutions de dépôt appartenant à l’État, les compagnies d’assurance de personnes, les compagnies d’assurances générales, les sociétés de fiducie, les fonds communs de placement, les courtiers en valeurs mobilières, les conseillers en placement et les sociétés de financement spécialisées. De surcroît, le secteur financier ne cesse de prendre de l’envergure, de nouvelles entreprises non financières venant brouiller le paysage concurrentiel (p. ex., les grandes plateformes technologiques qui offrent un accès de plus en plus important aux données des consommateurs, les fournisseurs de technologies de paiement, les entreprises qui proposent des formules d’achat immédiat avec paiement différé, les bourses de devises numériques, les conseillers-robots, etc.).

Les clients des banques canadiennes ont connu les taux les plus élevés d’expérience positive et de satisfaction parmi 14 000 clients de services bancaires grand public dans 35 pays1. Ces taux reposent sur des investissements en technologie se montant à environ 120 milliards de dollars, réalisés par les banques au cours de la dernière décennie.

Recommandation no 1

La croissance de la productivité du travail au Canada a ralenti considérablement, ce qui a rendu la production plus coûteuse et le Canada moins compétitif. Ce repli se répercute sur les conditions de vie du Canada, la capacité du pays à financer les programmes d’État et la résilience économique nationale.

Le Canada se classe au 18e rang en matière de productivité parmi les pays de l’OCDE et au dernier rang parmi les pays du G72. Pour inverser cette tendance, le FMI, l’OCDE et d’autres organismes ont exhorté le Canada à adopter des politiques fiscales qui stimulent la croissance. Malgré cela, les gouvernements ont choisi d’instaurer des impôts spécifiques au secteur bancaire. Résultat : limite du montant de capital que les banques peuvent mettre à la disposition des entreprises pour accroître la productivité, réduction de la capacité des consommateurs à épargner et à investir, accroissement de l’incertitude des investissements et recul de la capacité des banques à attirer les capitaux nécessaires. En fait, selon la Commission de productivité du gouvernement de l’Australie, les prélèvements sectoriels sont à éviter s’il faut établir ou poser des bases solides pour la croissance de la productivité3.

Ces impôts comprennent les éléments suivants :

  • La récente suppression de la déduction pour dividendes reçus, qui se répercutera négativement sur les investisseurs qui détiennent plus de trois millions de CPG et de billets liés aux marchés boursiers. Ces investissements permettent aux ménages de la classe moyenne, pour la plupart à la retraite ou à la veille de l’être, de réaliser des taux de rendement supérieurs et d’apprivoiser le risque baissier.
  • La taxe sur les institutions financières et le dividende pour la relance au Canada, annoncés dans le budget de 2022, ont abaissé la valeur du capital pouvant être mis à la disposition des entreprises et des consommateurs, chaque dollar de réduction des bénéfices non répartis se traduisant par une perte de plus de 7,50 $ en capacité de crédit nouvelle. Ces impôts ont servi aussi à décourager les investissements étrangers dans les banques canadiennes. En effet, au cours de l’année précédant le budget de 2022, les investisseurs étrangers ont investi 3,6 milliards de dollars dans les capitaux propres des banques canadiennes, mais l’année suivante, ces investisseurs ont cédé 11,6 milliards de dollars de capitaux propres des banques canadiennes.
  • Les impôts sur le capital prélevés par six provinces4 réduisent en fin de compte les bénéfices non répartis et pénalisent les banques qui provisionnent des réserves pour financer les prêts. Qui plus est, la taxe compensatoire des institutions financières imposée par le Québec décourage la création d’emplois et endigue la croissance économique dans la province.
  • Le gouvernement fédéral a imputé des taxes de vente rétroactives sur les services de compensation des paiements. Ces taxes sapent les principes de prévisibilité, de certitude, d’équité et de confiance dans le système fiscal dont les entreprises ont besoin pour prendre les décisions relatives aux investissements.

Une réforme fiscale complète qui comprend la suppression des impôts sectoriels est nécessaire pour améliorer la productivité, relever le niveau de vie, renforcer la compétitivité et stimuler la croissance économique du Canada.

Recommandation no 2

Il est impératif que le cadre réglementaire du secteur financier canadien évolue compte tenu de l’adoption accrue d’innovations technologiques, comme l’intelligence artificielle, l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché et le lancement d’initiatives comme la modernisation des paiements et le système bancaire pour les gens. Le régime réglementaire doit également promouvoir l’innovation et la concurrence en permettant aux différents acteurs de répondre plus rapidement et plus efficacement aux demandes des clients.

Le gouvernement fédéral doit collaborer avec les provinces et les pouvoirs réglementaires, et promouvoir un modèle réglementaire harmonisé pour permettre aux Canadiens de continuer de tirer profit de services financiers sûrs, sécurisés et fiables, tout en tirant avantage de protections uniformes dans toutes les provinces et tous les territoires, et en évitant les obligations redondantes, contradictoires ou résiduelles.

Pour promouvoir l’harmonisation réglementaire entre les différentes provinces à l’échelle nationale et garantir que les Canadiens bénéficient d’un ensemble uniforme de protections, nous recommandons ce qui suit :

  • Favoriser de plus grandes coopération et coordination entre les pouvoirs réglementaires fédéraux et provinciaux de manière à combler les lacunes potentielles dans la réglementation qui pourraient être exploitées par les acteurs du marché financier. Il s’agit notamment de s’assurer que la réglementation s’applique systématiquement aux pratiques de marché des fournisseurs financiers non réglementés ou sous-réglementés.
  • Adopter un cadre réglementaire conforme au principe « même activités, mêmes risques, mêmes règlements » pour que les acteurs qui exercent des activités équivalentes à celles des banques soient soumis aux mêmes règles et au même contrôle prudentiel.
  • Maintenir les échanges entre les décideurs politiques, les organismes de réglementation et les partenaires internationaux prenant part aux initiatives numériques et de données actuelles, comme le contrôle réglementaire de l’IA et le système bancaire pour les gens, pour assurer un degré d’harmonisation entre les cadres différents législatifs et réglementaires.

Recommandation no 3

À titre d’innovateurs responsables et de dépositaires de confiance des données canadiennes, le secteur bancaire soutient fermement un cadre de finances axées sur les clients (le Cadre) qui aide les Canadiens à tirer parti d’un échange de données robuste, sûr et sécurisé. Le secteur s’ingénie à donner aux Canadiens les moyens d’accéder en toute sécurité à leurs données financières et à en tirer parti, instaurant par le fait même un climat de confiance parmi les consommateurs et stimulant une large adoption pour faire des finances axées sur les clients un succès au Canada.

Un Cadre concret placera les Canadiens au cœur de l’innovation et créera la souplesse nécessaire pour promouvoir de nouveaux partenariats dans un contexte déjà innovant et concurrentiel. De plus, dans une économie mue par les données, les finances axées sur les clients joueront un rôle essentiel pour accorder plus de pouvoir aux Canadiens en leur donnant une meilleure emprise de leurs données financières.

Les banques restent profondément engagées et collaborent étroitement avec les pouvoirs publics, les organismes de réglementation et les partenaires sectoriels pour donner aux Canadiens un accès sûr aux pratiques d’échange des données, ce qui contribuera à stimuler la création de produits et services innovants par la mise en œuvre réussie du Cadre.

Recommandation no 4

La mise en œuvre d’un plan d’action anti-escroquerie est essentielle, le Centre antifraude du Canada ayant déclaré que les Canadiens ont perdu en 2023 la somme stupéfiante de 569 millions de dollars à cause des escroqueries. Celles-ci étant largement sous-déclarées, les pertes réelles pourraient se chiffrer à 11 milliards de dollars par an5.

Le système de paiement en temps réel et le système bancaire pour les gens se pointant à l’horizon, nous disposons de peu de temps pour anticiper la hausse attendue des fraudes liées aux paiements. Par exemple, selon l’expérience australienne, il faut s’attendre à une augmentation considérable des escroqueries après le lancement de ces systèmes, ce qui souligne l’importance de prendre des mesures préventives pour atténuer ces risques. Compte tenu de l’utilisation croissante de l’intelligence artificielle, le nombre de possibilités d’escroquerie ne fera qu’aller croissant. Nous devons tirer les leçons de l’expérience des autres pays et prendre les mesures préventives nécessaires pour protéger les Canadiens.

En formulant une stratégie multisectorielle coordonnée, le Canada sera à même de lutter efficacement contre la sophistication croissante des escrocs et de se prémunir contre les pertes financières qui ne cessent de monter en flèche. Un solide plan d’action anti-escroquerie devrait :

  • Sensibiliser les Canadiens aux mesures qu’ils peuvent prendre pour réduire leur exposition aux escroqueries et la façon de signaler celles-ci. La littératie financière est un élément essentiel pour prévenir les escroqueries et assurer le bien-être général des Canadiens.
  • Prévenir les escroqueries en créant les conditions nécessaires pour réduire au minimum les possibilités pour les criminels de s’attaquer aux consommateurs.
  • Réagir efficacement et avec empathie aux victimes d’escroqueries.

Il s’agit d’une responsabilité commune : les Canadiens, le gouvernement, les institutions financières, les entreprises de télécommunications, les plateformes en ligne, les entreprises de technologie, les forces de l’ordre et les tribunaux ont tous un rôle important à jouer dans cette lutte.

Recommandation no 5

Bien que la prévention centrée sur les efforts collaboratifs soit le principal point d’attention, le crime financier ne se cantonne pas aux escroqueries et porte sur un large éventail d’actes, dont le vol d’identité. Comme le nombre d’incidents de fraude signalés a doublé au cours de la dernière décennie au Canada, les intervenants des pouvoirs publics, des secteurs des finances et des télécommunications, des plateformes en ligne et des entreprises de télécommunications devront continuer à collaborer étroitement avec les forces de l’ordre et le système judiciaire pour lutter contre les crimes financiers en vertu du Code criminel du Canada. Au nombre des stratégies concernant les services de police et les forces de l’ordre, citons les suivantes :

  • Veiller à ce que les forces de l’ordre et les procureurs disposent de suffisamment de formation, de financement et de ressources humaines pour réagir aux fraudes autorisées.
  • Veiller à ce que les ressources soient adéquates pour atténuer les récidives des fraudeurs.
  • Veiller à ce que le Canada collabore avec les gouvernements et les forces de l’ordre d’autres pays pour atténuer les fraudes autorisées et décourager les actes criminels commis par des acteurs étrangers.
  • Améliorer les processus de signalement des fraudes.
  • Utiliser le Bureau de la lutte contre la fraude grave de l’Ontario comme modèle à reproduire aux paliers provincial et fédéral pour ce qui est de la dotation en ressources et de la coordination.
  • Mettre rapidement en œuvre l’engagement du budget 2024 autorisant l’ARC à collaborer avec le secteur pour concevoir un outil de vérification des revenus.

Recommandation no 6

Les banques sont des intervenants actifs dans le régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité (le Régime) et y investissent des ressources importantes pour se conformer aux règlements et lutter contre les risques de recyclage des produits de la criminalité. Bien que celles-ci aient soutenu fortement les récents changements apportés au Régime, il est impératif de faire la transition des mesures réglementaires et de déclaration détaillée à des poursuites pour crimes financiers afin de réduire l’écart entre la conformité réglementaire et l’efficacité réelle de l’application de la loi.

Compte tenu de la baisse des condamnations pour recyclage des produits de la criminalité au cours de la période de 2010 à 2020, il est nécessaire d’opérer un point d’inflexion supplémentaire pour améliorer l’efficacité du Régime, s’éloignant de sa dépendance aux « déclarations à volume élevé et à faible valeur ajoutée ». Par exemple, les entités déclarantes en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT) au Canada soumettent 12,5 fois plus de déclarations que des entités similaires aux États-Unis et 96 fois plus de déclarations que celles du Royaume-Uni. De plus, le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) produit un nombre disproportionnellement faible de rapports de renseignement à l’intention des forces de l’ordre. Par exemple, en 2022-2023, le CANAFE a reçu plus de 36 millions de déclarations individuelles et n’a produit que 2 085 rapports de renseignement, dont 27 % provenaient de partenariats public-privé.

Nous recommandons que les changements suivants soient apportés pour garantir que le Régime s’articule autour d’un modèle fondé sur le risque, limite les déclarations de faible valeur, augmente les poursuites et génère des statistiques pour faciliter l’adoption de politiques fondées sur des données probantes :

  • Autoriser les organismes fédéraux, comme le CANAFE, à diffuser des informations stratégiques et tactiques liées aux infractions de recyclage des produits de la criminalité et de financement du terrorisme aux entreprises du secteur privé et élargir les protections prévues par la LRPCFAT aux entités déclarantes afin de garantir que les acteurs malveillants ne peuvent pas dévoyer le processus de demande d’accès à l’information.
  • Adapter le cadre de déclaration des opérations suspectes pour en faire un cadre de déclaration des activités suspectes.
  • Exiger l’inscription universelle des entités déclarantes du CANAFE.
  • Développer et renforcer l’Agence canadienne des crimes financiers pour qu’elle assume à la fois des rôles d’enquête et de poursuite au vu de crimes financiers complexes et fournisse des statistiques aux intervenants publics et privés sur les enquêtes, les poursuites, les condamnations et les confiscations d’actifs au Canada.

1 Rapports mondiaux sur les services bancaires aux consommateurs de CapGemini. Les clients des services bancaires de détail canadiens ont classé leurs banques au deuxième rang en 2011 et au premier rang entre 2012 et 2016 relativement à la satisfaction de la clientèle.

2 OECD Compendium of Productivity Indicators 2023

3 The Productivity Commission, Towards Levyathan; Industry Levies in Australia, December 2023

4 Saskatchewan, Manitoba, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve-et-Labrador

5 GRC, Communiqué de presse, février 2024.


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